Sommaire
Dans cette nouvelle série « 5 questions pour nourrir l’avenir », je reçois des personnalités qui nous partagent leur vision dans des entretiens à la fois courts et éclairants.
Chef, restaurateur et professeur de cuisine, Damien Duquesne, aka Chef Damien, est une figure engagée du monde culinaire. Il a cofondé le célèbre site de cuisine 750g. À travers son restaurant 750g la table à Paris, il défend une cuisine maison, locale et responsable. Il a également lancé « Necense », une nouvelle génération de boissons écoresponsables pour les restaurateurs. Dans cet entretien résolûmes optimiste, il partage sa vision du monde actuel, ses convictions sur l’alimentation et l’agriculture, ainsi que les signaux faibles qui pourraient façonner l’avenir.
Quel regard portes-tu sur le monde d’aujourd’hui ?
Si on regarde uniquement les médias, on est forcé d’être pessimiste. Mais en creusant, on voit émerger plein d’initiatives positives. Il y a un centre sombre, mais à la périphérie, des choses intéressantes se développent. J’espère que cette énergie en périphérie finira par devenir la norme.
Selon toi, quel est le plus grand défi pour l’alimentation et l’agriculture ?
Deux enjeux majeurs : une terre propre et l’accès à l’eau. Sans cela, on ne peut rien faire. Il faut préserver la biodiversité et la fertilité des sols tout en assurant une production nourricière. Trouver un équilibre entre volume et durabilité est essentiel.
Quel signal faible as-tu observé qui pourrait tout changer ?
Le rapport à la robustesse et au recyclable. Que ce soit dans la mode ou dans l’alimentation, l’idée que les choses doivent avoir plusieurs vies commence à s’imposer. On ne peut plus produire à usage unique. Mais sans loi contraignante, ce changement ne se généralisera pas.
Quel est, selon toi, le levier le plus efficace pour faire évoluer nos comportements ?
La loi. Rien ne change sans contraintes. Prenons les sacs plastiques : tout le monde râlait au début, mais aujourd’hui c’est intégré. Il faudra en arriver là pour interdire les bouteilles en plastique à usage unique. La loi doit être réaliste, efficace et accompagnée de solutions pratiques.
Sur quelle tendance serais-tu prêt à miser pour l’avenir ?
Le low-tech. Des systèmes plus simples, plus robustes et adaptables. On est arrivé à un niveau de sophistication inutile dans beaucoup de domaines. En cuisine, j’ai des fours hyper technologiques que personne n’utilise à leur plein potentiel. Un four plus basique, mais durable et efficace, serait plus adapté et moins polluant.
___
Une entreprise qui change la donne ?
Il y en a plusieurs. Veja dans la mode, Café Joyeux pour l’inclusion, et Ben & Jerry’s qui ose s’engager sur des sujets impopulaires comme l’accueil des migrants ou la cause LGBT. Ce sont des marques qui vont au-delà du simple discours marketing.
Une innovation particulièrement remarquable ?
Nespresso. Même si ce n’est pas ma marque préférée, elle a révolutionné la manière de consommer le café à domicile. Cela a démocratisé un expresso de qualité, même si le problème écologique des capsules reste entier.
Une personnalité inspirante ?
Olivier Hamant (biologiste, chercheur à l’INRAE et directeur de l’institut Michel Serres), pour sa vision lucide mais pas dogmatique. Comme lui, je crois au pouvoir de l’engagement et à la notion de robustesse (Olivier Hamant définit la robustesse comme “le maintien d’un système stable malgré les fluctuations ». Il montre que le vivant peut inspirer l’entreprise en abandonnant la notion de performance pour celle de la robustesse, ndlr) pour faire vraiment changer les choses.