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Dans cette nouvelle série « 5 questions pour nourrir l’avenir », je reçois des personnalités qui nous partagent leur vision dans des entretiens à la fois courts et éclairants.
Bruno Parmentier est une voix incontournable de StripFood, et ce dés le début. Expert des enjeux agricoles et alimentaires, il pose un regard lucide et engagé sur les grands défis de notre époque. Face à l’urgence climatique et aux inerties politiques, il refuse la fatalité et en appelle à l’audace, à l’innovation et à une meilleure compréhension du vivant pour transformer notre agriculture et nos modes de consommation. Un échange percutant et inspirant, fidèle à son engagement pour une alimentation plus responsable et un avenir durable.
Quel regard portez-vous sur le monde aujourd’hui ?
Difficile d’être optimiste en ce début d’année 2025 : les conséquences du réchauffement climatique s’accélèrent dramatiquement, et en face on ne voit souvent que désunions, intolérances, égoïsmes, mensonges, fake news, intérêts privés, violences, guerres, perte du sens de l’intérêt commun… et impuissance navrante des politiques, en particulier en France et en Europe. Plus que jamais, « la planète brûle, et nous regardons ailleurs », en particulier notre nombril. Heureusement que l’histoire nous a offert de nombreux exemples de sursaut ! Le pire n’arrive pas toujours.
Quel est, selon vous, l’enjeu des enjeux en matière d’agriculture et d’alimentation ?
Le réchauffement climatique couplé à l’épuisement des ressources, bien sûr… Mais l’homme et la femme n’ont absolument pas dit leur dernier mot. En particulier dans nos pays tempérés, nettement moins menacés que les pays tropicaux. Je vois ça d’abord comme un appel à la créativité, l’innovation, l’audace. Quand j’étais jeune, on avait inventé le slogan « En France on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ». C’est vraiment le moment de le ressortir !
Un exemple : en France on n’est pas très performants en matière de gestion de l’eau, car le problème ne s’était vraiment posé de façon aussi aiguë que lors de ces dernières années. On peut se désespérer, ou se déchirer comme lors de guerres picrocholines autour de bassines… mais on peut aussi constater qu’il nous reste d’énormes marges de progression et de multiples solutions nouvelles à inventer. La France n’est pas en voie de désertification, il lui reste à apprendre à bien gérer une ressource devenue plus capricieuse.
Pouvez-vous nous partager un signal faible (signe avant-coureur de changements majeurs potentiel) porteur d’avenir ?
Ça y est, les énormes progrès effectués dans le « monde du silicium » (le numérique, l’informatique, la robotique et maintenant l’intelligence artificielle) vont enfin pouvoir s’appliquer à la connaissance du vivant, du monde du carbone, autrement plus complexe et prometteur. On ne connaissait que 10 % des êtres vivants, en particulier en médecine, rien de notre cerveau et en agriculture rien de nos sols. On est en train de faire la connaissance de ce monde incroyablement riche des bactéries, champignons et autres micro-organismes. Du coup on va pouvoir enfin passer des alliances avec la Nature au lieu de lutter contre elle. Et par exemple, en agriculture, cultiver au niveau du m2, de la plante, voire de la bactérie au lieu de cultiver « au champ » ; c’est extrêmement prometteur et c’est génial que ça arrive au moment même où nous sommes accablés par le réchauffement climatique. Ce sera probablement la plus grande révolution agricole, et elle arrive juste au moment où on en a vraiment besoin !
Quel est le levier le plus efficace pour faire évoluer nos comportements de consommateur ?
L’information ! Malgré le combat acharné d’arrière-garde de nombreux industriels contre la généralisation du Nutriscore, des applications simples comme Yuca, qui n’ont pas besoin de leur accord, ont réussi à elles seules à faire changer la composition de nombreux plats transformés.
Après l’effet santé, j’espère que nous allons également voir se déployer une information claire et incontestable sur l’effet « planète » de notre alimentation, par exemple via Planet score et son triptyque « pesticides, biodiversité et climat » sur les emballages, le label « Bas carbone » des fermes, et l’obligation de mentionner la quantité de gaz à effet de serre sur les menus des cantines et restaurants.
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1 Marque ou 1 entreprise (qui change la donne)
Demain la Terre en matière de fruits et légumes, et leurs alliés du collectif « Troisième voie » comme Bleu Blanc Cœur, etc. En matière de restauration, le collectif Bon pour le climat. Dans chaque cas, ce sont des regroupements d’entrepreneurs ayant fait leurs preuves du point de vue économique et qui décident en plus de se stimuler les uns les autres pour s’occuper plus efficacement de leur planète et de l’avenir de leurs enfants, sans quémander aux politiques, en citoyens responsables et innovants.
1 Innovation (particulièrement remarquable)
Les nouvelles voies pour cultiver sans herbicides (ou avec beaucoup moins). L’épandeur I Spray de Kuhn avec ses caméras qui savent distinguer entre 80 0000 plantes et ne pschitter que sur les adventices. Les robots désherbeurs qui gratouillent autour des plantes sans jamais les toucher. Les plantes herbicides, qui poussent les premières, couvrent le sol pour faire de l’ombre aux adventices, et disparaissent au premier gel… Et on en trouvera d’autres si on continue à chercher !
1 Personnalité (particulièrement inspirante)
Nicolas Chabanne, qui personnifie si bien C’est qui le Patron et a réussi à faire payer davantage le consommateur avec la promesse de mieux rémunérer le producteur, et de remettre de la solidarité dans l’alimentation.
Et Frédéric Thomas, un des papes du « sans labour », qui fait énormément pour promouvoir une Agriculture de conservation (des sols) et démontre qu’on peut arriver à produire autant, voire davantage, sans jamais labourer, ce qui est un énorme progrès pour la Planète !