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Dans cette nouvelle série « 5 questions pour nourrir l’avenir », je reçois des personnalités qui nous partagent leur vision dans des entretiens à la fois courts et éclairants.
Expert en innovation responsable et visionnaire engagé, Sauveur Fernandez rappel les grands défis de notre époque, et en fait un appel à réinventer nos systèmes alimentaires. Pour lui, la transition alimentaire est l’enjeu du siècle et doit s’accompagner de récits inspirants, mêlant plaisir, culture et durabilité. Il souligne aussi le rôle clé de l’intelligence artificielle, capable d’optimiser la logistique, réduire le gaspillage et enrichir notre créativité. Une interview éclairante pour mieux comprendre comment allier innovation et humanisme au service de notre avenir. Quand à moi, j’en ressort davantage convaincu : ne laissons surtout pas le monopole aux récits dépressifs et moralisateurs !
Quel regard portez-vous sur le monde d’aujourd’hui ?
Nous vivons une conjonction unique de quatre crises majeures :
– Réchauffement climatique,
– Crise du « vivre ensemble », montée des populismes,
– Prémices d’une troisième guerre mondiale,
– Menaces sanitaires permanentes.
Les années 1930, riches en initiatives humanistes, comme l’agri bio, le végétarisme ou les congés payés, ont aussi vu émerger des régimes totalitaires menant à la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, des innovations alimentaires importantes coexistent avec des tensions géopolitiques inquiétantes. Cependant, l’histoire nous montre que des périodes troubles peuvent précéder de longues années de paix.
La ligne éditoriale de StripFood, c’est la transition alimentaire. Cela vous inspire quoi ?
C’est l’enjeu du siècle ! Une alimentation de mauvaise qualité entraîne une décadence rapide de civilisation et l’agriculture intensive continue de dégrader les sols malgré certains progrès.
Il est urgent de repenser l’agriculture et l’industrie agroalimentaire, dont 80 % des produits en grande surface sont ultra-transformés. Construire un modèle durable et fondamentalement locavore prendra des décennies, mais nous sommes sur la bonne voie.
Pourquoi créer de nouveaux récits alimentaires ?
Un autre grand défi de la transition alimentaire est la sensibilisation du consommateur, car nous vivons dans une économie de marché. Fait peu connu, l’évolution de l’alimentation repose sur des imaginaires de consommation :
> Antiquité et Moyen Âge : alimentation liée à la position sociale (viande pour les riches…).
> Renaissance : exotisme et prestige (sucre, café…).
> Ère industrielle : abondance et modernité, « big is beautiful ».
> XXIe siècle : santé, éthique, durabilité et locavorisme .
> Ère numérique : personnalisation et partage en ligne.
Comprendre et utiliser ces imaginaires dans des récits est le plus sur moyen de rendre la transition alimentaire désirable, en créant l’envie et non le besoin de changer. Les nouveaux consommateurs veulent aussi s’épanouir personnellement avant de penser à sauver la planète. Un récit moderne doit aussi intégrer cette aspiration clé.
Pouvez-vous nous partager des exemples de récits mobilisants ?
Un récit efficace mêle histoire engageante, partage, interactivité et accompagnement via :
> Réseaux sociaux,
> Coulisses et fabrication,
> Recettes et astuces,
> Interaction communautaire,
> Accompagner la transformation de vie du client,
> Rencontres festives.
Au-delà de l’injonction « mangez 5 fruits et légumes par jour », la future stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) propose une nouvelle approche du “repas à la française” qui lie culture gastronomique, plaisir, santé et environnement via des campagnes partenariales de communication
On entend de plus en plus parler de l’IA et de ses possibilités, et vous-mêmes l’utilisez couramment : que peut-elle apporter à la transition alimentaire et aux nouveaux récits imaginaires ?
L’intelligence artificielle est une révolution majeure comme il n’en arrive que tous les 200 ans. Elle est selon moi le cinquième grand événement de ce XXIe siècle. Pour la première fois, l’Homme a réussi à mettre l’intelligence en boîte. L’IA est déjà omniprésente (chatbots, recommandations produits).
Pour la transition alimentaire, l’IA à de nombreuses applications. Aux États-Unis, de grands distributeurs utilisent des systèmes d’IA prédictifs pour réduire le gaspillage alimentaire. L’IA peut aussi aider à une micrologistique adaptée au locavorisme en optimisant les trajets vers de petits producteurs disséminés sur un territoire.
Pour les nouveaux récits imaginaires, l’IA peut automatiser des campagnes complexes, affiner des insights comportementaux (désirs ou freins cachés), brainstormer, etc. Elle décuple aussi les possibilités créatives en permettant de réaliser des visuels ou des vidéos qui auraient demandé de gros moyens il y a peu.