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Dans cette nouvelle série « 5 questions pour nourrir l’avenir », je reçois des personnalités qui nous partagent leur vision dans des entretiens à la fois courts et éclairants.
Dominique Schelcher, Président Directeur Général de Coopérative U, partage sa vision des défis et opportunités liés à l’agriculture et à l’alimentation. Dans un monde où les liens sociaux se distendent il est, selon lui, essentiel de recentrer les efforts sur l’humain et le collectif pour construire un avenir durable. Particulièrement préoccupé par les enjeux autour de notre souveraineté alimentaire, il en appelle à un futur où la consommation sera davantage connectée aux réalités locales.
Quel regard portez-vous sur le monde d’aujourd’hui ?
Le monde actuel est complexe, fragile et anxieux. On utilise aujourd’hui l’acronyme BANI (Brittle, Anxious, Nonlinear, Incomprehensible), qui illustre bien cette situation. Les mutations sont rapides, difficiles à appréhender, et l’incertitude est devenue la norme. Ce contexte impacte directement la consommation et les attentes des consommateurs, qui recherchent à la fois du réconfort et des solutions à long terme.
Quel est, selon vous, l’enjeu des enjeux en matière d’alimentation et d’agriculture ?
La souveraineté alimentaire française. La crise du Covid-19 a révélé la fragilité de notre chaîne alimentaire. Si nous ne nous mobilisons pas collectivement — producteurs, distributeurs, consommateurs —, nous risquons de perdre des pans entiers de notre production. Dans dix ans, on pourrait se demander pourquoi certains produits ne sont plus fabriqués en France, et nous serions tous responsables de cette inaction.
Pouvez-vous nous partager un signal faible (signe avant-coureur de changements majeurs potentiel) porteur d’avenir ?
Un signe prometteur réside dans la modernisation des pratiques agricoles et commerciales pour mieux répondre aux enjeux environnementaux. Par exemple, nous avons récemment lancé un système de gestion des commandes en fruits et légumes basé sur l’intelligence artificielle, afin de réduire le gaspillage alimentaire. Ces petites innovations, souvent discrètes, peuvent avoir un impact énorme une fois généralisées.
Quel levier serait le plus efficace pour faire évoluer les comportements des consommateurs ?
Le commerce alimentaire doit devenir un lieu de vie et de lien social. En 60 ans, la société de consommation a éloigné les gens les uns des autres. Aujourd’hui, il faut réintroduire de l’humain dans nos commerces : des équipes engagées, des commerçants qui connaissent leurs clients, des lieux qui recréent du lien. Plus il y aura d’interactions humaines dans nos magasins, plus nous résisterons à l’individualisme et aux fractures sociales.
Quelle tendance a, selon vous, le plus d’avenir ?
Pour moi, la priorité est l’humain. Investir dans les compétences, le savoir-faire et le lien social est essentiel pour construire une société plus forte et plus résiliente. Les commerces alimentaires doivent incarner cette vision en devenant des espaces de rencontre et de service. Cela passe aussi par le soutien à des projets locaux, comme les épiceries associatives qui jouent un rôle crucial dans les zones rurales.
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1 projet inspirant qui change la donne ?
Je tiens à saluer le projet ‘Bouge Ton Coq’, qui revitalise les villages en soutenant des épiceries locales et en installant des maisons médicales dans des zones rurales. C’est une initiative humaine, solidaire, et essentielle pour lutter contre le déclin des services de proximité. Elle illustre parfaitement comment des actions concrètes peuvent avoir un impact durable sur les territoires.