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Dans cette nouvelle série « 5 questions pour nourrir l’avenir », je reçois des personnalités qui nous partagent leur vision dans des entretiens à la fois courts et éclairants.
Présidente de Bleu Blanc Cœur, Nathalie Kerhoas incarne un engagement fort pour une alimentation plus saine et durable. Dans un contexte de crises économiques et environnementales, elle défend une vision holistique, articulée autour du concept One Health. Rencontre avec une femme déterminée à décloisonner les enjeux de l’agriculture et de l’alimentation pour contribuer à redonner de la valeur à notre alimentation.
Quel regard portes-tu sur le monde d’aujourd’hui ?
Nous vivons une période de tensions économiques et politiques qui pousse au repli sur soi et à une baisse de qualité alimentaire. Pourtant, c’est aussi une opportunité pour réinventer notre approche agricole et alimentaire. Il est essentiel de dépasser la seule logique économique pour répondre aux défis nutritionnels, climatiques et de santé publique. Malgré ces défis, je reste optimiste : l’intelligence collective et l’innovation peuvent être des leviers de transformation.
Quel est, selon toi, l’enjeu des enjeux en matière d’agriculture et d’alimentation ?
L’enjeu principal est de décloisonner les problématiques pour une vision globale basée sur One Health, qui relie la santé de la terre, des plantes, des animaux et des humains. Il faut sortir des logiques de silos et créer des systèmes alimentaires ayant un impact sociétal et environnemental positif, tout en garantissant un bénéfice individuel tangible pour le consommateur, notamment en matière de santé et de goût.
Peux-tu nous partager un signal faible (signe avant-coureur de changements majeurs potentiel) porteur d’avenir ?
Pour moi c’est la question des coûts cachés de l’alimentation. Une étude de la FAO en 2023 a révélé qu’en France, chaque euro dépensé dans l’alimentation générait un euro de coûts cachés, principalement en santé et en environnement. Les nouvelles exigences RSE et la directive CSRD obligent désormais les entreprises à intégrer ces enjeux. Cela crée un levier puissant pour accélérer le changement vers une alimentation plus responsable.
Quel est le levier le plus efficace pour faire évoluer nos comportements de consommateur ?
Le levier principal reste l’éducation et la pédagogie, dès l’école. Mais il faut aller plus loin : il est crucial que chaque maillon de la chaîne (producteur, filière, distributeur, consommateur) trouve un intérêt personnel ou individuel à ce changement (intérêt économique, bénéfice santé par exemple) ! Ce n’est pas seulement une question de sensibilisation individuelle, mais une transformation collective du système de production et de consommation.
Quelle tendance a, selon toi, le plus d’avenir ?
C’est le “moins et mieux”. Aujourd’hui, la consommation de protéines animales domine encore (70/30 par rapport aux protéines végétales). Il ne s’agit pas de tout supprimer, mais d’optimiser la densité nutritionnelle des aliments tout en réduisant leur impact environnemental. Par exemple, des études montrent que des tomates cultivées en sol vivant ont 20 % de capacité antioxydante en plus que celles issues de substrats. Améliorer la qualité nutritionnelle des produits tout en respectant l’environnement est un enjeu clé.
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1 Marque ou 1 entreprise qui change la donne ?
Plutôt qu’une entreprise unique, je suis admirative des démarches qui impliquent les consommateurs dans la gouvernance, comme The Shift Project Shift project, C’est qui le Patron ? ou encore la Communauté Bleu Blanc Cœur avec ses 32 000 membres. Créer du lien et de l’intelligence collective, c’est une vraie innovation sociétale.
1 Innovation particulièrement remarquable ?
Je salue l’engagement de l’enseigne U, qui a intégré la démarche Bleu Blanc Cœur dans toute son offre œufs, lait, volaille… Cela dépasse l’innovation produit ponctuelle : c’est une transformation structurelle de l’offre alimentaire, qui garantit une meilleure qualité accessible à tous.
1 Personnalité particulièrement inspirante ?
Je citerais Pierre Weill, qui vient de publier « Santé Unique ». Son parcours atypique, fondé sur l’intuition, l’innovation et des convictions fortes, a contribué à structurer Bleu Blanc Cœur. Je suis aussi admirative de Gabriel Binetti, fondateur des filières qualité Carrefour, qui à l’aube de ses 80 ans continue à partager son expertise avec une énergie incroyable.