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Je suis très heureux d’accueillir Hélène Guido sur StripFood. J’ai convié cette experte de « la fourche à la fourchette » pour son activité de Business Angel. Celle qui soutient (à côté de ses autres activités) une dizaine de start-up depuis 6 ans, nous explique ici en quoi consiste ce rôle d’investisseur, ses critères pour dénicher les pépites et nous révèle ses 6 coups de cœur dans les secteurs de l’agro-alimentaire et de l’agriculture. Plongée dans un milieu rafraîchissant qui contribue à construire l’alimentation de demain.
Stéphane Brunerie.
Qui es tu Hélène ? Quel est ton parcours ?
Après une formation d’ingénieur en Agriculture à Beauvais et un Master en gestion des entreprises agro-alimentaires à l’ESSEC, j’ai débuté ma carrière dans le groupe MARS sur différents postes marketing et direction de Business Unit qui m’ont amenée à travailler en France, en Allemagne et sur des responsabilités européennes. J’aime l’Europe et j’aime le terrain de jeux européen. En 2005, j’ai été nommée directrice générale de la division Mars Food France où je me suis attachée avec mon équipe à renouer avec une croissance durable et profitable. En 2010, après une formation d’Executive MBA à HEC, j’ai rejoint la coopération agricole, tout d’abord au sein du groupe coopératif InVivo comme directrice marketing stratégique et innovation, puis ensuite à la Coopérative maraîchère bretonne SAVEOL dont j’ai pris la direction générale en 2017.
Avec un pied en Bretagne et l’autre en Région parisienne, et après avoir obtenu une certification de coach professionnelle, j’accompagne désormais les dirigeants et leurs équipes du secteur sur des projets créateurs de valeur « de la fourche à la fourchette » en indépendante ou en partenariat avec des cabinets partenaires.
Je suis également Business Angel depuis 6 ans avec un portefeuille d’une dizaine de start-up.
En quoi consiste la mission de Business Angel ? Comment peut-on le traduire en français ?
Il n’y pas vraiment de traduction en français, on parle d’investisseur. Il s’agit d’investisseur intervenant en phase d’amorçage c’est-à-dire très peu de temps après la création de l’entreprise. À ce stade, l’entreprise ne fait encore que peu de chiffre d’affaires et elle est souvent soutenue par du « love money » c’est-à-dire de l’argent provenant de son propre entourage (famille, amis, réseau proche). Il y a à la fois de petits Business Angel qui investissent quelques milliers d’euros mais aussi d’autres qui investissement des centaines de milliers d’euros. La mission, c’est certes un investissement financier mais à ce stade, c’est surtout beaucoup de réseau, de bienveillance et de partage de compétences et de conseils. Moi ce qui me passionne c’est vraiment ce côté mentoring, la possibilité de faire ma part dans le développement de projets qui me parlent.
Qu’est-ce qu’on en retire concrètement ?
Clairement, sur la totalité des projets, on est loin de gagner à tous les coups. On peut faire de très belles sorties en matière de valorisation financière, mais honnêtement cela reste rare car malheureusement très peu de projets arrivent à passer à l’étape suivante. Moi, ce qui m’intéresse, au-delà de l’aspect financier, c’est aussi d’être en contact avec un environnement qui pense différemment avec des méthodes complément différentes de celles qui m’ont alimentée depuis des années. Rester en connexion avec cet environnement me permet d’être en perpétuelle remise en cause. C’est tellement rafraîchissant.
Dans l’émission « Qui veut être mon associé? » sur M6, l’appli Foodvisor réalise sa présentation ou pitch devant 5 Business Angel.
Dans quel cadre investis-tu ?
Je suis adhérente à une association qui s’appelle Femme Business Angel composée de 150 femmes et de quelques hommes qui se sont réunis pour privilégier certains types d’investissements. Le collectif nous donne de la force à tous les stades du projet et en particulier dans le sourcing des projets. Chacune investit à titre personnel mais l’instruction des dossiers se fait au titre du collectif. Ce qui me plaît dans FBA c’est le regard bienveillant sur les porteurs de projets qui va bien au-delà le gain financier. On est aussi là car on a envie de participer à des aventures entrepreneuriales avec un regard féminin. Ensuite, il faut aussi être capable d’apprécier la capacité à se développer d’une start-up car cela ne se joue pas que sur la première année et on doit être capable de les accompagner dans les phases suivantes. Souvent on sert donc de pont vers d’autres types d’investisseurs en rajoutant de l’argent pour ce qu’on appelle le « deuxième tour ».
Justement, le regard féminin, ça change quoi concrètement ?
Il faut avoir en tête que le monde de l’investissement est un monde très masculin d’une part et qu’il y a très peu de femmes entrepreneurs. Alors oui, je pense qu’il y a une réelle plus-value du regard féminin. Nous avons, au-delà de la bienveillance, vocation à privilégier les projets, soit car ils sont portés par des femmes, soit parce qu’ils comprennent une femme dans l’équipe. Nous avons un côté mentoring de marraines mais cela ne se fait en revanche jamais au détriment de la qualité du projet.
Quels sont les principaux critères pour évaluer le potentiel d’un nouveau business ?
Le premier critère c’est clairement la qualité de l’équipe de porteurs de projets. L’humain fait toute la différence et il y a en cela une forte part de ressenti à travers les différents pitchs (NDLR présentations). C’est le premier contact et la qualité de cette relation de confiance qui peut se créer, qui fait la différence. On privilégie clairement les projets portés par au moins deux personnes et la complémentarité de leurs profils. Ensuite, bien entendu, ce qui compte c’est la pertinence de la proposition, basée sur une très bonne connaissance du marché, et surtout son côté innovateur, voire rupturiste, autrement dit sa capacité à positionner des barrières à l’entrée dès le départ. Enfin, il y a aussi l’affinité avec les thématiques comme par exemple l’agriculture ou l’agro-alimentaire me concernant.
On a tous l’image du business plan en tête mais franchement ce n’est vraiment pas ce que je regarde en priorité car tout le monde sait faire cet exercice. À la fin, la question est de savoir si l’on a envie de prendre le risque, sachant que l’on peut tout perdre mais surtout – et c’est ce qui m’affecte le plus – c’est le risque de voir les conséquences de cet échec sur les porteurs de projet (dépression, solitude…). C’est vraiment cela qui me pousse à faire les meilleurs choix.
Quelles sont les pépites que tu as repérées et qui méritent un coup de projecteur ?
J’ai sélectionné 6 projets (qui ne sont pas forcément des projets dans lesquels j’ai d’ailleurs eu l’opportunité d’investir) qui me touchent particulièrement tant par leur proposition que par la qualité des équipes :
Côté « jeunes pousses » :
- ECOLOMIC, une marketplace bretonne de destockage d’invendus en local et en particulier de fruits et légumes.
- JUBILES, une nouvelle boisson qui remet au goût du jour la Kombucha, une boisson traditionnelle originaire de Chine et vieille de 2200 ans. Cette boisson fermentée à base de thé est présentée comme ayant de nombreux bienfaits.
- TOUTI TERRE, une startup fondée par une femme qui a développé le Toutilo, un cobot (NDLR un robot collaboratif capable d’apprendre de multiples tâches afin d’aider les êtres humains) enjambeur pour une agriculture de précision qui respecte la nature et les hommes. Il permet de planter, désherber, récolter et même transporter en un seul passage et en évitant de se baisser.
Côté « startups » :
- LEMONTRI : des solutions innovantes, incitatives et solidaires pour recycler plus et mieux.
- DIRECT MARKET : place de marché B to B, qui met en contact producteurs et commerçants, pour remplir les rayons de leurs grandes surfaces avec des fruits et des légumes produits en moyenne à 40 kilomètres de leur lieu de vente, sans avoir à gérer la logistique.
- CHEZ JULIENNE : Des solutions repas en kit contenant tous les ingrédients pré-dosés avec une fiche recette détaillée pour inspirer tous vos repas de la semaine.